une des dernières fois où mon mentor vint me rendre visite sur mon nénuphar, il relia son disque dur externe à ma chaîne hi-fi (nous sommes des batraciens modernes) et me dit : « j'ai quelque chose pour toi, ça devrait te plaire ».
une voix de fille. mon mentor me connaît bien. il sait que les voix de filles avec le crapaud, ça passe ou ça casse.
et avec Bat for Lashes, c'est tout de suite bien passé.
une jolie voix à la Björk, l'énervement en moins, et de jolies envolées sans excès. des petites ambiances un peu mystérieuses, presque ésotériques, plutôt étonnant, de quoi attiser la curiosité en tout cas. et une batterie qui tape bien.
non seulement je me procurais rapidement Two Suns, mais je prenais soin d'acheter sans trainer mon billet pour sa venue au mois d'avril.
Natasha Khan, malade, annule sa tournée en Allemagne. la déception est grande pour votre crapaud. je suis particulièrement fou de ce second album et j'étais très curieux de voir ce qu'il pouvait donner sur scène.
heureusement, le temps a vite passé. et me voilà à la Postbahnhof, où est en résidence le Fritz Club où je vis plusieurs fois I am Kloot, autant dire un endroit chargé de (très bons) souvenirs. une jolie salle sans attrait particulier, mais une super acoustique. en marge de la scène, une autre pièce donne accès au fumoir et dans laquelle on trouve merchandising, sandwichs et berliner pilsner ou heineken à la pression. et on peut même y danser les soirs de fête !
ensuite on pénètre dans la salle de concert à proprement parler, où il y a également un bar, au cas où se serait trop dur de parcourir vingt mètres pour se rafraîchir. on est presque tout de suite sur la scène. petite capacité, super ambiance, super son.
je m'attends à voir quelques crapauds habillés un peu à la Natasha. plumes ou bandeau dans les cheveux, robes à col, robes à volants, grosses ceintures, tissus colorés, fleuris, tout y passe. on peut aussi dire que c'est n'importe quoi si on est un vieux grincheux de l'habillement. sinon c'est très frais tout ça et plutôt gaie.
la salle se remplit rapidement. dans mon environnement proche une grenouille, habillée d'un simple jeans et d'un t-shirt blanc, bouge nerveusement. on dirait qu'elle attend quelqu'un et que la personne n'arrive pas. elle s'enfile rapido deux bières. et quitte d'un geste nerveux sa place, en faisant signe qu'elle revient. et elle n'a pas l'air de rigoler. lorsqu'elle revient, nous sommes de plus en plus serrés.
je sens alors une chaleur intense sur ma cuisse gauche. je regarde discrètement ce qui me tient procure un tel bien être et découvre une petite grenouille, plus petite que moi, mais oui, c'est possible, qui se tient là. je l'avais déjà remarquée au fond de la salle à mon arrivée, nous étions suffisamment peu nombreux pour se croiser du regard. même si elle n'a pas l'air malintentionnée, je trouve étrange qu'elle se colle à moi ainsi. nous finissons par faire batraciens batraciens (amis, amis quoi !), lorsqu'elle se casse presque la figure en remontant son pantalon (il fait terriblement chaud) et que je la ramasse à temps avant que sa jolie face ne s'écrase au sol.
tout à coup, le groupe de crapauds se trouvant à proximité se met à hurler... « Ah mais c'est dégueulasse... non mais dites-moi que je rêve... ! ». et vas-y que ça glousse... la grenouille-amie et moi-même nous penchons vers l'avant, et constatons avec stupeur et amusement (l'amusement c'est surtout pour votre crapaud), que la grenouille un peu nerveuse, sort son appareil urinaire et se soulage tranquilou, là devant tout le monde. et la magie s'opère... d'un seul coup, un cercle de belle dimension s'écarte d'elle, elle a une place pas possible, j'y penserai pour le prochain concert de Radiohead !
je rigole tout ce que je sais pendant que le club des crapauds s'offusque en criant « il s'est fait dessus, il s'est fait dessus ! », et la grenouille à mes côtés décide, devant tant d'ignominie, de s'approcher de la scène et de quitter ce lieu de malfaisance !
et alors que la lumière fond peu à peu, je regarde d'un air un peu préoccupé la grenouille de plus en plus nerveuse, qui visiblement n'a pas l'air toute là. heureusement un autre spectacle attend votre crapaud.
deux choses aux cheveux courts apparaissent sur la scène. deux trucs asexués. j'ignore s'ils ont pris de la cocaïne avant de monter sur scène, mais ils ont les yeux de lapins apeurés se retrouvant face à des phares de voiture. pourtant on dirait aussi qu'il sont prêts à nous sauter dessus. habillés de noir, une des choses se place devant le micro tandis que l'autre s'installe derrières son clavier. des beats mal réglés nous explosent illico les oreilles. le cauchemar peut commencer.
la chose devant le micro est en fait une fille. si son physique ne permettait pas jusqu'à présent de définir clairement son sexe, sa voix ne laisse aucun doute, et une meilleure observation de son visage laisse sans conteste apparaître un semblant de fille (je n'ai pas dit féminité).
voici Hecuba.
Isabel Albuquerque et Jon Beasley pour les intimes (dont je ne fais pas partie).
la balance est mal réglée, ça tape méchamment et en plus y'a pas un chouïa de mélodie, ça vous pète les oreilles comme une sirène de pompier. malgré ses yeux d'égorgeuse de crapauds, Isabel Albuquerque semble se détendre un peu après le troisième morceau, souriant parfois maladroitement comme si on venait d'y mettre le feu, mais dissimulant avec peine un véritable trac. sur un morceau elle semble malgré tout heureuse, offrant un court instant quelques émotions pures, voire même un sourire. elle cherche souvent Jon Beasley du regard, mais il est trop dans son trip pour la voir.
sur le dernier morceau, il prend justement le micro et interprète un morceau presque audible. lui aussi a l'air complètement apeuré, mais de quelles substances ont-ils abusé ?
lorsque la lumière se rallume, l'apaisement est général. mais que font ces bourrins en première partie de Bat for Lashes ? ils auraient eu parfaitement leur place au Trésor, vrai temple de la techno et des beats qui arrachent les tympans.
tout le monde reprend ses esprits, on regarde par terre pour voir où en est la mare de pipi. tout va bien, le sol est parfaitement plat !
lorsque la lumière se tamise à nouveau, la nervosité de la grenouille au pipi décomplexé prend de l'ampleur. elle fouille dans sa poche frénétiquement et alors que Natasha Khan pénètre sur scène dans la liesse générale, sort maladroitement... son appareil photos... tout ça pour ça, merci bien !
Natasha Khan est là, toute souriante, un peu timide, dans sa robe d'écolière anglaise. à sa gauche, en retrait, Charlotte Hatherley s'empare de sa basse. Sarah Jones s'installe devant sa batterie, à droite de Natasha (et à gauche pour le crapaud), tandis que Ben Christophers s'assied devant ses claviers.
Glass peut alors commencer. la voix de cristal de Natasha Khan, envoûte la Postbahnhof. tout doucement le morceau s'épaissit, une certaine grâce envahit la salle. l'émotion s'empare alors de l'assemblée. que de douceur... quelques percutions, puis une vraie bonne batterie. vous verriez comment Sarah Jones tape, elle n'a rien à envier à Logan Kroeber des Dodos !
la lumière explose au rythme des percutions, la coordination est parfaite, tout comme le son et la balance.
Glass
Sleep alone
Wizard
Moon and Moon
Horse and I
What's a girl to do
Daniel
Tahiti
Siren Song
Trophy
Two Planets
Pearl's Dream
Rappels :
Big Sleep
Wilderness
Priscilla
le groupe s'anime davantage, et nous avec, avec Sleep alone. des rythmes presque tribaux saccadent le morceau alors que la voix de Natasha joue sur la douceur et la pureté.
les morceaux qui suivent se teintent de petites clochettes, clavecin, guitare, en couches successives. on sent l'envoutement général.
Natasha Khan s'installe au piano le temps de Moon and Moon, alors que Charlotte Hatherley s'assied à ses côtés pour jouer des clochettes. on dirait que le temps s'arrête. mais que c'est joli tout ça.
il ne faut cependant pas croire que Bat for Lashes se contente de petites chansons gentillettes toutes douces. au contraire, Natasha Khan chante aussi bien son désespoir, sa tristesse que son bonheur, et accompagnée d'une batterie rageuse, on ne se laisse pas aller à la mélancolie.
sa voix qui peut paraître fragile dégage une force incroyable. tandis que nous remuons du croupion sur Pearl's Dream, je me dis que Björk était peut-être comme ça avant. avant de beugler et de faire des concerts dans des stades.
cette Natasha Khan est tout simplement adorable, attachante, charmante et d'une sincérité touchante. malgré son talent fou, elle n'en fait pas des tonnes. tout n'est que légèreté et maitrise.
lorsque Priscilla se termine, la séparation est douloureuse. le rêve se brise d'un seul coup, un peu violemment.
la grenouille pipisante semble au comble du bonheur dans sa mare. heureusement que personne n'a tapé des pieds pour les rappels...
© for Bat for Lashes, concert pictures from http://www.fritzclub.com
© for Hecuba, pictures from http://www.myspace.com/hecubahecuba
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