hier soir, 18 août 2009, je partais fiévreusement warschauer strasse, toute émoustillée d'assister à un nouveau concert mais surtout contente de voir enfin Beirut. pourtant une question me taraudait : qui avais-je vu dernièrement à l'astra ?
pas facile pour un crapaud d'être parfois frappé d'amnésie...
je sors du s-bahn, traverse le pont et zou, la mémoire me revient. comment avoir pu oublier ?
c'est ici même, quelques mois plus tôt, que je connaissais une émotion suffisamment forte pour y repenser régulièrement et avoir illico la chair de cocotte (le comble pour un crapaud). ben oui, rien que ça.
Polly Jean Harvey et John Parish, en concert, le 7 mai 2009...
d'abord ce concert partait mal ! initialement annoncé dans la passionskirsche de berlin, lieu magique où Kristin Hersh et Emiliana Torrini avaient en leur temps enflammé l'assistance, le concert était déplacé dans une salle plus grande : l'astra.
j'arrivais là-bas un peu émue. je devais revendre la deuxième place que j'avais sur les bras. tout ce que je déteste. accoster les gens et proposer de vendre quelque chose. l'horreur absolue, comme dirait Katerine. j'allais au guichet pour demander, pleine d'espoir, si la madame elle voudrait pas me racheter ma place et elle m'expliqua qu'il suffisait d'aller à l'entrée et de la vendre là-bas. tout ce que je voulais éviter. c'est alors que j'entendis une voix toute timide me dire : "tu cherches à vendre une place ?". un p'tit jeunot bien mignon me faisait un grand sourire. je m'entendis alors baraguiner en regardant par terrre : "euh oui". le rouge aux joues il me tendait l'argent, le rouge aux joues je lui tendais la place. la soirée pouvait enfin commencer...
le site de l'astra est assez chouette, plusieurs bâtiments à proximité de la spree. une ancienne petite friche industrielle qui inspirerait plus d'un photographe, sans plus. la salle en elle-même n'a rien de spécial. elle sent bon la DDR, sans charme particulier. les murs sont recouverts d'un revêtement difficile à identifier, on dirait de la tôle à rayure, dans les tons sombres...ça pourrait être aussi bien de la tapisserie, remarquez, mais parfois la laideur est stupéfiante et on n'ose s'en approcher ! je trouve un endroit près d'un poteau, près de la scène, sur la gauche (vu de l'entrée). j'observe le public : très mélangé. un public à la Nick Cave. oui je sais, la comparaison est fastoche, mais c'est vrai ! des vieux, des jeunes, voilà, c'est pas un concert électro !
je me descends ma bière en attendant le début, je suis passablement morose et démoralisée, bien que je sois déjà une inconditionnelle de A Woman a man walked by, et que je devrais me réjouir d'avoir la chance d'être là ce soir...
c'est alors que débarque seul en scène l'étonnant Howie Gelb. grand, la voix profonde, c'est un gros blagueur. le public est hilare. je me détends. musicalement c'est un peu trop "folk" pour moi, mais je suis vraiment emballée par ce qu'il fait avec sa guitare, ne se prenant pas au sérieux, jouant de sa voix. la soirée commence en douceur et en beauté. allez donc voir par là pour entendre ça de vos oreilles. des tonnerres d'applaudissement se font entendre alors qu'il quitte la scène. on aurait presque pu passer la soirée avec lui.
et puis on attend. la suite. ça traîne, ça traîne, il commence à faire chaud. de la musique un peu pourrie flotte dans l'air. la morosité me reprend.
et puis, le noir se fait doucement pour laisser place à l'excitation.
John Parish apparaît le premier, sourire aux lèvres, affublé de son éternel chapeau, le chic anglais par excellence. il est suivi des trois autres musiciens, tous chapeautés. il ne manque que Polly. mais je ne vois plus rien pendant quelques secondes, un grand s'est mis devant moi. pourtant je sens une clameur s'élever, je me dresse sur la pointe des pieds, la voilà, bon sang...
©Duncan Schwier, taken from http://www.pollyharvey.co.uk/

©Duncan Schwier, taken from http://www.pollyharvey.co.uk/

©Duncan Schwier, taken from http://www.pollyharvey.co.uk/

bien entendu, les applaudissements étant nourris, ils ne tardent pas à revenir sur scène pour deux morceaux. John Parish se met au micro, tout seul, pour False Fire, un des singles de A woman. je dois bien avouer que sur disque, je n'accroche pas du tout à la voix de Parish. pourtant là, alors que PJ le force presque à y aller, il forge sa voix d'une vraie émotion qui fait de ce morceau, un véritable petit bijou (qui perd malgré tout de la force sur l'enregistrement du single).
April finit la soirée en beauté et en douceur, merci, juste ce qu'il faut pour arrêter d'avoir envie de sauter partout !
et voilà... c'est fini. mais ils ne partent pas... ils restent là, face à nous, tous sourires. ils murmurent des remerciements, nous souhaitent à nouveau bonne nuit, mais restent là, ne bougent pas, comme hypnotisés par nos applaudissements. ils nous regardent comme ça pendant de longues secondes, voire des minutes. on dirait que le temps c'est arrêté... et puis PJ se prend un nounours dans la tête, elle rigole, le ramasse, et voilà, tout le monde sort de son rêve et s'apprête à partir. la scène se vide, les applaudissements continuent doucement. les lumières se rallument.

je m'apprête malgré tout à prendre le tram, j'attends au feu pour traverser.
je sens alors une main dans mon dos et des doigts qui me tapent sur l'épaule. je me retourne. il est là, un kebab à la main, toujours le rouge aux joues, les yeux pétillants. je mets cinq secondes à le reconnaître tellement je suis dans mes rêves. je sens mes joues chauffer, c'est pas possible. je crois que s'il pouvait m'embrasser pour me remercier de lui avoir vendu la place, il le ferait. on échange nos impressions quelques instants. lui aussi est totalement emballé par la prestation de Polly ce soir. et puis, il me lance un regard doux et pétillant et me demande ce que j'ai prévu de faire maintenant. et les mots sortent de ma bouche sans que je ne contrôle quoi que ce soit. "ich muss leider gehen". il baisse les yeux, je suis morte de honte, il me sourit, il me souhaite bonne nuit d'une voix infiniment douce, je lui souris, j'ai le cœur gonflé prêt à exploser et je traverse pour rejoindre l'arrêt de tram. une fois assise dans le tram, je sens des larmes couler sur mes joues de crapaud. quelle soirée !
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